Enfin de la Jurisprudence sur la présomption de démission

La loi du 21 décembre 2022 a créé un nouveau dispositif, celui de la présomption légale de démission lorsque le salarié abandonne volontairement son poste.

Pour rappel, l’article L 1237-1-1 alinéa 1 du Code du Travail prévoit que le salarié qui a abandonné volontairement son poste et qui ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre-décharge, dans le délai fixé par l’employeur (15 jours minimum) est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai.

Le salarié peut invoquer un motif légitime faisant obstacle à cette présomption de démission dans sa réponse à la mise en demeure de l’employeur.

Parmi les motifs légitimes prévus à l’article R. 1137-13 alinéa 2 du Code du Travail, on trouve notamment :

  • des raisons médicales,
  • l’exercice du droit de retrait ou du droit de grève,
  • le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation,
  • la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.

Le salarié dont le contrat est ainsi rompu peut contester la rupture en saisissant directement le bureau de jugement du Conseil de Prud’hommes qui doit se prononcer sur la nature de la rupture et ses conséquences et statuer, en principe, dans un délai d’un mois.

Le Conseil de Prud’hommes de LYON, dans un jugement du 21 février 2025 (RG n° 23/02471), a rendu une décision sur cette nouvelle procédure.

Dans cette affaire, une salariée avait refusé, à la suite de la perte d’un marché, la proposition du transfert de son contrat de travail à la société entrante.

Son employeur lui avait proposé une nouvelle affectation au sein d’une société tierce, mais elle avait refusé cette affectation.

L’employeur avait mis en œuvre la procédure de présomption de démission (mise en demeure de justifier des motifs de son absence et de réintégrer son poste et lui avait précisé qu’elle serait considérée comme démissionnaire dans un délai de 15 jours calendaires suivant la date de première présentation du courrier).

La salariée avait répondu à cette mise en demeure, indiquant qu’elle refusait la modification de son contrat et qu’elle avait la possibilité de refuser cette mise à disposition. L’employeur avait, à l’expiration du délai des 15 jours calendaires, notifié à la salariée la fin de son contrat de travail à l’issue de son préavis.

La salariée avait répondu en contestant être démissionnaire et en rappelant que son affectation sur un site géré par une société tierce, qui n’était pas son employeur, entraînait une modification de son contrat de travail qu’elle refusait.

Le Conseil de Prud’hommes retient les explications fournies par la salariée et requalifie la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et accorde à la salariée :

  • l’indemnité compensatrice préavis,
  • les congés payés afférents,
  • l’indemnité légale de licenciement,
  • des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Une autre décision a été rendue par la Cour d’Appel de PARIS le 6 mars 2025 (RG n° 24/02-319, SAS CHARLES SERVICES contre F). Elle concerne la présomption de démission d’un salarié protégé.

La Cour d’Appel définit les modalités d’application du statut protecteur à la présomption légale de démission d’un salarié protégé.

Dans ce dossier, un employeur avait tenté, à deux reprises, d’obtenir l’autorisation auprès de l’Inspecteur du travail de licencier le salarié protégé. Sa demande avait été rejetée par l’administration.

Après le second refus, le salarié protégé n’avait pas réintégré l’entreprise, malgré le courrier de l’employeur, lui demandant de reprendre le travail.

L’employeur avait mis en œuvre la procédure de présomption de démission.

Le salarié avait simplement répondu qu’il ne souhaitait pas démissionner et l’employeur avait notifié au salarié la mise en demeure et la présomption de démission.

La Cour d’Appel relève que l’employeur a commis une maladresse rédactionnelle puisque l’employeur avait mis le salarié en demeure de justifier de son absence ou de reprendre son poste alors qu’il aurait dû, conformément aux mentions réglementaires, justifier de son absence et de reprendre son poste.

Le salarié avait saisi le Conseil de Prud’hommes de Meaux pour demander sa réintégration dans l’entreprise dans le cadre d’un référé.

Le Conseil de Prud’hommes avait prononcé la nullité de la rupture du contrat de travail et ordonné la réintégration du salarié, l’employeur avait donc saisi la Cour d’Appel.

Pour renverser la présomption légale de démission, le salarié invoquait différents motifs :

  • retenue sur salaire,
  • rappel de salaire tardif,
  • attente d’une date de réintégration.

Les juges écartent les arguments du salarié qu’il aurait dû présenter dans sa réponse à la mise en demeure de l’employeur.

La Cour d’Appel de Paris valide le raisonnement de l’employeur sur le fond, mais pas sur la forme et juge que, si la présomption de démission du salarié protégé est bien caractérisée, la rupture de son contrat de travail sans l’autorisation de l’inspecteur du travail est nulle.

La Cour d’Appel précise ainsi que la rupture du contrat de travail pour présomption de démission, étant à l’initiative de l’employeur, est nulle pour avoir été menée en violation du statut protecteur sans solliciter l’autorisation de l’Inspecteur du travail.

L’affaire est à suivre dans l’attente de l’arrêt qui sera rendu par la Cour de cassation.

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