Preuve obtenue de manière déloyale :
la Cour de cassation poursuit la construction du droit à la preuve

Depuis 2020 la chambre sociale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence concernant la recevabilité de moyens de preuve illicites dans le procès prud’homal.

Le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits fondamentaux, à condition que cette production soit :

  • Indispensable à l’exercice du droit à la preuve ;
  • Et proportionnée au but poursuivi.

Comme nous l’avions indiqué (voir notre article), la position de l’Assemblée Plénière, formation de jugement la plus solennelle de la Cour de cassation, était attendue pour la fin de l’année 2023.

À l’occasion de deux affaires, elle livre sa position de principe sur la possibilité pour les parties au procès d’utiliser une preuve obtenue de manière déloyale.

Dans la première affaire, un salarié a saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement pour faute grave. Pour justifier ce licenciement, l’employeur a utilisé l’enregistrement des entretiens préalables, réalisé à l’insu du salarié. La Cour d’appel avait déclaré irrecevable ce moyen de preuve mais l’Assemblée Plénière casse l’arrêt de la cour d’appel en posant le principe suivant :

« Dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence (…). ».

L’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Paris, qui devra procéder au contrôle de proportionnalité.

Dans la seconde affaire, un intérimaire a découvert sur le compte Facebook du salarié absent qu’il remplaçait, et dont la session était restée ouverte sur l’ordinateur professionnel, des propos tenus avec un autre salarié de l’entreprise dans un message privé. Il a relayé la conversation à l’employeur qui a procédé au licenciement du salarié absent, pour faute grave en raison des propos insultants tenus, lors de cet échange électronique, à l’encontre du supérieur hiérarchique.

La Cour d’appel a déclaré cette preuve irrecevable.

L’Assemblée Plénière de la Cour de cassation, valide cette position :

« Un fait tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ».

Le cabinet

GIBERT-COLPIN est une société d’avocats spécialisée en droit social.

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